L’organisation publie un rapport de 75 recommandations pour protéger les enfants victimes de traite plutôt que de les sanctionner. Un changement de paradigme, insiste-t-elle.
La justice française fonctionnerait-elle à l’envers à l’égard des enfants ? La question mérite d’être posée au regard d’une réalité dévoilée par l’Unicef France dans son nouveau rapport. Publié mercredi 30 juillet, le document dénonce la répression judiciaire des mineurs exploités.
Selon ce texte intitulé « Victimes avant tout – Protéger les enfants contre l’exploitation criminelle », des milliers d’enfants exploités par des réseaux criminels sont encore poursuivis et sanctionnés par la justice française au lieu d’être protégés en tant que victimes de traite des êtres humains.
« Ils font l’objet de gardes à vue, de poursuites judiciaires, voire d’incarcérations sans qu’aucune solution durable ne leur soit proposée à leur sortie », dénonce l’Unicef à propos de ces enfants dont le « jeune âge, la fragilité et l’absence perçue d’alternatives en font des cibles privilégiées de l’exploitation ».
S’appuyant sur l’enquête 2023 de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), l’organisation onusienne révèle que 12 % des 4 160 victimes identifiées étaient mineures.
Un phénomène sous-estimé, mais massif
« En France, plus de deux tiers des personnes concernées par l’exploitation criminelle auraient moins de 18 ans« , précise le rapport.
Parmi les mineurs victimes d’exploitation criminelle aujourd’hui identifiés par les associations, 92 % seraient des mineurs non accompagnés (MNA) et seraient majoritairement originaires du continent africain (81 %) – et plus particulièrement d’Algérie et du Maroc – et d’Europe (19 %), notamment Europe de l’Est et du Sud (principalement Roumanie et Bosnie-Herzégovine).
Ces enfants cumulent de multiples vulnérabilités : précarité multidimensionnelle (sociale, économique et administrative), placement en institution, décrochage scolaire, existence d’un handicap, y compris des handicaps invisibles.
Cela inclut des troubles du neurodéveloppement, la méconnaissance des droits, l’allophonie, l’analphabétisme, la situation d’errance, entre autres. « Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans la rue, aux frontières ou même au sein de leur propre famille, ils sont recrutés contre la promesse d’un abri, d’un peu d’argent ou sous la contrainte », renseigne le document.
L’urgence d’un changement de paradigme
Selon une ancienne magistrate de Mamoudzou sollicitée dans le cadre de ce rapport, à Mayotte, les mineurs qui assistent les passeurs sur les kwassa-kwassa ne semblent pas avoir à ce jour été judiciairement reconnus comme victimes de traite, mais poursuivis en qualité de co-auteurs.
Pour remédier à ces dysfonctionnements, l’Unicef formule 75 recommandations articulées autour de quatre axes principaux, dont la prévention, l’identification, la gouvernance et la protection.
« À travers ce rapport, nous appelons les autorités à agir sans délai, en élaborant une stratégie de lutte contre l’exploitation criminelle des mineurs en cohérence avec les politiques de protection de l’enfance et les plans existants de lutte contre la traite », plaide Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France.