France : le #MeToo de la marine jugé à Brest

Le tribunal correctionnel de Brest est, à compter de ce mardi 22 avril 2025, le théâtre d’un procès inédit impliquant des officiers supérieurs de la marine marchande, accusés de harcèlement moral, harcèlement sexuel et agressions sexuelles.

C’est un jour qui fera inévitablement date. Ce mardi 22 avril s’ouvre au tribunal correctionnel de Brest une audience judiciaire aussi rare que symbolique : celle de deux responsables de la marine marchande, un monde longtemps resté hermétique aux regards extérieurs, et donc perméable aux abus, notamment envers les femmes.

Christophe M., commandant, et Philippe T., chef mécanicien, sont poursuivis pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et agressions sexuelles. À leurs côtés figurent, en qualité de prévenus, la société Genavir, filiale de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), dont deux navires sont impliqués dans les faits, ainsi que son ancien directeur général, Eric D.

Ces derniers doivent comparaître pour « discrimination professionnelle à l’égard d’une personne ayant subi ou refusé de subir un harcèlement sexuel » et « blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail ».

Une zone de non-droit

« Un beau cul », « coquine va »… Les témoignages consignés dans les procès-verbaux d’audition consultés par Le Monde, dressent un tableau accablant du comportement des deux officiers poursuivis au moment des faits (2015-2019).

Le commandant Christophe M. aurait ainsi photographié à son insu une subordonnée en maillot de bain, tandis que le chef mécanicien Philippe T. se serait introduit de nuit dans la cabine d’une élève-officière pour tenter de l’embrasser alors qu’elle dormait.

L’enquête, qui a duré trois ans suite à un signalement de l’inspection du travail, révèle que les plaignantes avaient dans un premier temps gardé le silence, craignant pour leur carrière. Des craintes justifiées puisque leur évolution en matière de qualification, d’affectation et de promotion a été significativement freinée, à en croire le quotidien du soir.

« Dans ce petit milieu de la marine marchande où selon une règle implicite, ce qui se passe à bord doit rester à bord, elles sont désormais montrées du doigt, car nos clientes ont osé parler« , expliquent leurs avocates, Me Caroline Boeckmann et Me Mylène Hadji, citées par Le Monde.

Un secteur sous surveillance

Il est reproché à la direction de Genavir de « ne pas avoir mis en place de mesure adaptée pour prévenir le harcèlement sexuel au sein des navires » et « de ne pas avoir désigné de référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel malgré les signalements qui leur avaient été adressés ».

Plus grave, la compagnie et son ancien responsable auraient délibérément planifié sur les mêmes navires certaines des personnes ayant dénoncé les faits et leurs bourreaux. De quoi contribuer à l’oppression des victimes, qui ont depuis renoncé à la navigation.

« La justice doit faire son travail. Nous mesurons bien l’importance de ce procès pour les personnes qui ont porté plainte et celles qui se considèrent comme victimes. De tels actes n’ont pas leur place dans notre groupe. Nous condamnons fermement ces pratiques qui peuvent mettre en péril la santé et la sécurité des collaborateurs de l’Ifremer et de ses filiales« , assure auprès du Monde, Laurent Couret, directeur général délégué chargé des ressources à l’Ifremer et président de Genavir.

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