TikTok bientôt devant la justice en France pour mauvaise politique face au harcèlement scolaire ? Les parents d’une adolescente, qui s’est suicidée en septembre 2021, ont déposé plainte contre le réseau social chinois début septembre. Une première en Hexagone.
Le 8 septembre dernier, les parents de Marie, une jeune fille de 15 ans qui s’est suicidée en septembre 2021 à Cassis (Bouches-du-Rhône), ont porté plainte auprès du parquet de Toulon (Var) contre TikTok. Ils accusent le réseau social d’avoir provoqué le suicide de l’adolescente, de n’avoir pas assisté une personne en péril et d’avoir fait la promotion ou la publicité de moyens de se donner la mort.
TikTok recommande des vidéos sur le thème du suicide
Marie a mis fin à ses jours le 16 septembre 2021. Elle a été retrouvée par ses parents, pendue dans sa chambre. Quelques semaines avant son suicide, l’adolescente avait publié une vidéo sur TikTok pour parler du harcèlement qu’elle subissait à cause de son poids et du mal-être qu’elle éprouvait. La publication a automatiquement engendré, sur son compte, l’afflux d’autres vidéos sur le même thème à cause de l’algorithme de recommandation du réseau social chinois.
Laure Boutron-Marmion, l’avocate des parents de Marie, fustige un « algorithme extrêmement puissant ». Il dénonce le fait que TikTok ait envoyé un flux de vidéos sur le thème du suicide et de l’automutilation à la jeune fille déjà en dépression. Elle trouve l’attitude de la plateforme d’autant incompréhensible que Marie avait exprimé très expressément, dans ses vidéos, son ras-le-bol du harcèlement qu’elle subissait. Malheureusement, la modération de contenus sensibles n’existe vraiment pas sur TikTok. Une politique décriée depuis plusieurs années.
Un précédent au Royaume-Uni en 2022
Le parquet de Toulon, qui a ouvert une enquête sur les faits de harcèlement scolaire, a précisé que la plainte contre TikTok méritait une analyse approfondie. C’est une première en France que le réseau social chinois fasse l’objet d’une telle action en justice. Mais ce n’est pas une première dans le monde. Une plainte avait déjà visé TikTok au Royaume-Uni en 2022, après le suicide de Molly.
L’adolescente de 14 ans s’était donné la mort en 2017 pour des faits de harcèlement scolaire. Elle avait fait part de son mal-être sur la plateforme chinoise. Mais celle-ci n’a eu pour réaction que d’enclencher son fameux algorithme, qui a poussé Molly à passer à l’acte terrible. L’adolescente a reçu par mail des recommandations de Pinterest lui suggérant d’aller lire dix posts sur la dépression qu’elle pourrait aimer.
Les suicides s’enchaînent en France
En France, entre 6 à 10% des élèves (800.000 à un million) seraient victimes de harcèlement en milieu scolaire. Plusieurs cas dramatiques ont d’ailleurs marqué l’opinion ces derniers mois. En janvier 2023, Lucas, un adolescent de 13 ans s’est pendu au domicile de sa famille à Golbey (Vosges), après avoir été la cible de moquerie à cause de son homosexualité. En mai, Lindsay, une jeune fille également de 13 ans de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), s’était également suicidé au domicile familial.
Le 5 septembre dernier, Nicolas, un adolescent de 17 ans de Poissy (Yvelines) a mis fin à ses jours, un an après avoir fait part de sa situation. A la rentrée 2022, ses parents avaient signalé à l’équipe pédagogique du lycée de Poissy, le harcèlement dont il était victime. Mais les échanges de courriers avec le proviseur et le rectorat de Versailles n’ont abouti à rien. La direction de l’établissement a même tenu des propos désobligeants envers les parents. Le ministre de l’Education, présent aux obsèques de Nicolas vendredi dernier, a exprimé son effarement face à ce comportement.
Le gouvernement passe à l’action
Gabriel Attal a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative, dont les conclusions sont attendues sous quinze jours. Il a également prévu une réunion avec tous les recteurs et rectrices pour effectuer un audit sur toutes les situations de harcèlement signalées sur l’année scolaire passée. Notons que le prédécesseur de Gabriel Attal, Pap Ndiaye avait déjà mobilisé les acteurs de l’Éducation nationale pour une campagne de sensibilisation. A l’été, le gouvernement avait aussi annoncé une série de mesures contre le harcèlement scolaire.