La diète législative française

La France a connu en 2024 un bouleversement inhabituel, marqué par une diminution significative du nombre de nouvelles lois et d’autres textes réglementaires en tous genres.

Si l’on jugeait l’efficacité des députés à l’aune des textes de lois votés, l’Assemblée nationale française serait en mauvaise posture. Car il n’y a pas de quoi pavoiser de l’activité législative du pays en 2024.

Les chiffres compilés par Le Monde indiquent que seulement 39 lois ont été promulguées (hors ratification de traités internationaux) au cours de cette année. Cela représente une baisse spectaculaire de 30% par rapport à l’année précédente. Comparée à 2021, année record en matière de frénésie législative, la diminution est encore plus marquée, atteignant 42%. Le constat de recul ne s’arrête pas là.

L’ensemble de la production normative française — incluant ordonnances, décrets, arrêtés, circulaires — a également chuté de 6%, pour atteindre 31 662 textes, son plus bas niveau depuis une décennie.

De quoi réjouir Claire Landais, secrétaire générale du gouvernement, qui voit, selon des propos rapportés par le quotidien du soir, dans cette « désinflation » un signe encourageant, même si elle précise qu’il ne s’agit pas encore d’une « réduction du stock » de normes.

Une révolution silencieuse dans l’équilibre institutionnel

Pendant longtemps, la France s’est caractérisée par une profusion de textes – législatifs et réglementaires –, provoquant l’exaspération de certains courants politiques, notamment à droite, comme le rappelle Le Monde. Cette situation a progressivement conduit les décideurs politiques à envisager une approche plus mesurée de la production normative.

Gabriel Attal, lors de son passage à Matignon, avait ainsi clairement affiché dès sa déclaration de politique générale son intention de « supprimer des normes » plutôt que d’en créer de nouvelles. Il avait annoncé fièrement l’élimination de « dix normes nationales » pour les agriculteurs, promettant que « beaucoup d’autres suivront ! ».

Le plus marquant réside dans le bouleversement inédit des équilibres institutionnels. Pour la première fois sous la Ve République, les propositions de loi d’origine parlementaire (26) ont massivement surpassé les projets gouvernementaux (13), dans une proportion jamais vue auparavant.

Une véritable révolution copernicienne dans la pratique politique française. Pendant des décennies, entre 2002 et 2020, le gouvernement menait la danse, avec deux fois plus de projets promulgués que de propositions parlementaires.

Des turbulences politiques

Cette transformation trouve son origine dans deux facteurs essentiels, selon l’analyse du Monde. D’abord, l’affaiblissement continu des gouvernements successifs, privés de majorité stable à l’Assemblée nationale.

Ensuite, les effets à long terme de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a délibérément modifié la répartition des pouvoirs au profit du Parlement, notamment via un partage de l’ordre du jour entre l’exécutif et le législatif.

Comment expliquer cette désinflation législative sans précédent ? La réponse se trouve dans les turbulences politiques extraordinaires qui ont secoué la France en 2024, qualifiée par certains observateurs d' »annus horribilis, sans doute l’une des pires de la Ve République ».

Le parcours chaotique de l’année écoulée ressemble en effet à un chemin de croix institutionnel : campagne des élections européennes, dissolution de l’Assemblée nationale, longue campagne législative, interminable attente d’un nouveau gouvernement, nomination éphémère de Michel Barnier à Matignon suivie de sa chute précipitée trois mois plus tard…

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