Si la guerre aux drogues (et aux usagers de drogue) est souvent une posture d’autorité que les gouvernants se sentent obligés de tenir, on sait désormais que c’est totalement inefficace. Les personnels médicaux et sociaux qui accompagnent les toxicomanes privilégient des politiques de réduction des risques, pour limiter les impacts sur la santé des usagers… mais aussi pour réduire la criminalité et faire des économies.
En 1998, les Nations Unies avaient promis d’éradiquer la drogue dans le monde en dix ans au travers d’une guerre mondiale à la drogue. Cette guerre est toujours menée aux quatre coins de la planète. Elle coûte cher : 1’000 milliards de dollars. Ses résultats : le nombre de consommateurs de drogue explose année après année et atteint désormais le chiffre astronomique de 250 millions.
Cette guerre à la drogue s’accompagne bien souvent d’une guerre aux usagers de drogue, et en particulier aux toxicomanes les plus dépendants, à savoir les 16 millions de personnes qui s’injectent de la drogue dans le sang à travers le monde. Une politique totalement inefficace à en croire Olivier Magnet, le spécialiste de la réduction des risques de l’ONG médicale internationale Médecins du monde.
« La force, la contrainte, comme être obligé de se soigner, ou la prison, voire la torture dans certains pays, ça ne marche pas. Nous le savons, nous médecins. Lorsque ces usagers sortent de ces traitements forcés, la plupart rechutent », regrette-il avant de pointer les avantages multiples d’une approche axée sur la réduction des risques plutôt que sur la répression.
En abordant la problématique sous l’angle de la transmission du VIH/SIDA, et en partant du principe que 20% des injecteurs de drogues dures vivent avec le virus, Médecins du monde, comme la plupart des organisations travaillant sur la question de la toxicomanie, veut « réduire le risque pour les usagers de drogue de contracter le virus plutôt que de les forcer à arrêter ». Ou la définition même du principe de réduction des risques.
Réduction des risques et tabac Le tabagisme n’est pas la moindre des toxicomanies et, depuis plusieurs années, des politiques publiques de réduction des risques visent à accompagner et à responsabiliser les fumeurs pour les aider à limiter l’impact de leur addiction sur leur santé. |
Selon Olivier Magnet, « la première de ces interventions (de réduction des risques), la plus efficace, ça commence par mettre à disposition du matériel stérile d’injection, des seringues propres ». Viennent ensuite les traitements de substitution, qui permettent de « faire sortir l’usager de la drogue de rue et lui proposer un médicament qui est prescrit par un médecin », ce qui permet de réduire les risques de contamination de moitié tout en « réinscrivant les usagers de drogue dans un parcours de soin ».
Non seulement la réduction des risques fonctionne, mais il s’avère que cela génère des économies concrètes pour le gouvernement (et donc pour les contribuables). En Australie, où la réduction des risques est entrée dans les mœurs depuis les années 1980, une étude a démontré que pour chaque dollar investi dans la réduction des risques, on générait 5 dollars d’économies en frais d’analyse, de soins et d’hospitalisation. Des sommes qui peuvent être réallouées à d’autres secteurs médicaux.
Mais la réduction des risques ne sert pas qu’à lutter efficacement contre la transmission des maladies sexuellement transmissibles. C’est également un levier important pour limiter la violence et la petite délinquance associées à la toxicomanie. C’est une porte d’entrée vers la réinsertion et un sas entre deux mondes qui ont longtemps été hermétiquement clos.