Depuis le 6 mai, se tient, à Paris, le procès de sept anciens dirigeants de la société France Télécom (devenue Orange), accusés de harcèlement moral. Ils continuent de nier toute responsabilité dans la vague de suicide au sein de l’entreprise, vers la fin des années 2000. Au point de faire dire à la présidente du Tribunal correctionnel de Paris : « Si ce n’est pas vous, c’est qui ? ».
Commencé il y a plus d’un mois, le procès des anciens responsables de France Télécom n’a toujours pas vraiment avancé. Les sept ex dirigeants continuent de contester les accusations de harcèlement moral, malgré de nombreux témoignages. Dès lors la confusion règne quant aux responsabilités de chacun des prévenus dans la vague de suicide qu’a connue l’entreprise à la fin des années 2000.
Un climat de peur pour forcer les départs
Appelée à la barre ce mardi, le Dr Brigitte Font Le Bret, a exprimé tout le désarroi des employés du groupe français. La psychiatre iséroise, qui a reçu une cinquantaine de patients travaillant chez France Télécom vers la fin des années 2000, a déclaré que : « La situation était la suivante, France Télécom devait se séparer de 22 000 de ses 165 000 agents. Or beaucoup d’entre eux avaient le statut de fonctionnaire. Ceux qui avaient 50 – 55 ans étaient trop loin de la retraite pour partir mais trop vieux selon l’entreprise pour être rentables ». Par conséquent, ils ne savaient plus à quel saint se vouer. Résultat : une vague de suicide, précisément trente-neuf cas, dont douze tentatives.
Comment en est-on arrivé à ce désastre ? C’est ce que tente de comprendre le tribunal de Paris. Pour la première fois, une société du CAC 40 est devant la justice. Sept dirigeants de l’ex France Télécom, dont Didier Lombard, PDG de la société entre 2005 et 2010, doivent répondre des faits. Il leur est reproché d’avoir mis en place un système de harcèlement afin de pousser les salariés à quitter l’entreprise dans le cadre d’un plan de 22 000 départs volontaires. La sociologue Fanny Jedlicki, qui a enquêté en interne à partir de l’été 2009 sur la prévention des risques psychosociaux, décrit même un « climat de peur » où de nombreux salariés craignaient d’être mis à la porte contre leur gré.
« Si ce n’est pas vous, c’est qui ? »
Mais du côté des prévenus, on n’utilise pas le même vocabulaire. Pour eux il n’y avait ni système de harcèlement ni globalisation de la souffrance au niveau de l’entreprise. L’ex-PDG Didier Lombard pense même que son plan de « restructuration » était nécessaire. « Si on ne l’avait pas fait, il n’y aurait plus de France Télécom. », assure-t-il. Son numéro 2 Louis-Pierre Wenès, se veut lui compatissant : « Je vis cette crise avec une profonde émotion, a-t-il déclaré à la barre. Cela me touche au plus profond de moi-même. »
Face à cette fuite en avant, la présidente du Tribunal s’est logiquement demandé : « Mais à la fin qui faisait quoi ? Qui savait quoi ? Si ce n’est pas vous, c’est qui ? ».