Quand Gérald Darmanin ravive les plaies coloniales

Le projet ministériel d’aménagement d’un quartier de haute sécurité destiné aux « plus dangereux narcotrafiquants » dans la future prison de Saint-Laurent-du-Maroni suscite un tollé dans ce département français d’outre-mer.

Il y a des blessures qui peinent à cicatriser malgré les années, les pansements, et qu’il faut éviter de rouvrir, ne serait-ce que pour y jeter un coup d’œil.

Gérald Darmanin soupçonnait-il que son annonce de la création d’un Quartier haute sécurité (QHS) dans la nouvelle prison de Saint-Laurent-du-Maroni prévue d’ici 2028, afin d’y enfermer les trafiquants de drogue ainsi que les djihadistes radicalisés, entraînerait une telle levée de boucliers ?

La réponse pourrait bien surprendre, tant le ministre de la Justice, membre de la tendance droitière du parti présidentiel Renaissance, est réputé adepte des coups d’éclat, comme s’en indigne le sénateur Georges Patient dans un communiqué cité par le journal Le Monde.

L’ancien vice-président du Sénat dénonce notamment « un coup médiatique » destiné « à servir des ambitions personnelles au détriment d’un territoire ».

Le spectre d’un « bagne 2.0 »

Quant à Jean-Paul Fereira, président par intérim de la Collectivité Territoriale de Guyane, il déplore toujours auprès du quotidien du soir des « clichés tenaces et méprisants » qui persistent à l’égard de ce territoire, réduit à « une jungle dédiée à la relégation des criminels ».

« Ma stratégie est simple : frapper la criminalité organisée à tous les niveaux. Ici, au début du chemin de la drogue. En métropole, en neutralisant les têtes de réseau. Et jusqu’aux consommateurs. Cette prison sera un verrou dans la guerre contre le narcotrafic », a indiqué le Garde des Sceaux, dans un entretien paru samedi 17 mai au Journal du Dimanche (JDD), alors qu’il effectuait une visite de trois jours en terre guyanaise.

Problème, le QHS de 60 places est prévu dans une ville – Saint-Laurent-du-Maroni – qui abrita l’un des principaux centres du bagne colonial. Encore appelé « la guillotine sèche », il s’agit d’un système de détention et de relégation en Guyane française, en activité de 1852 à 1953.

Une urgence carcérale réelle

L’objectif était de vider les bagnes métropolitains devenus trop coûteux, éloigner les criminels de la société française, et coloniser un territoire qu’on estimait sous-peuplé et sous-exploité.

« Cette page de l’histoire est tournée et j’espère qu’elle ne reviendra pas », a tranché Sophie Charles, maire de Saint-Laurent-du-Maroni, alors que cette polémique vient occulter un enjeu essentiel pour la Guyane : le dépeuplement de l’unique prison de ce territoire où cohabitent à l’heure actuelle 1 080 détenus pour 616 places.

Preuve de l’urgence de la situation, la construction du nouvel établissement carcéral avait été obtenue au terme de deux mois de lutte sociale intense, comme le rappelle Le Monde.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.