Dans l’enfer des violences conjugales réunionnaises

Le département français de l’océan Indien se caractérise par un tableau inquiétant des violences faites aux femmes, le plus souvent sous le toit conjugal.

La Réunion semble confrontée à ce qu’il conviendrait de qualifier d’épidémie de violences conjugales. Tant le phénomène a pris des proportions troublantes dans ce département d’outre-mer classé en novembre dernier, en deuxième position des territoires françaises les plus concernés.

Les chiffres dévoilés à cet effet par Le Monde dans une récente enquête, permettent de toucher du doigt l’ampleur du fléau. Ainsi, 3 654 victimes ont porté plainte en 2023, et une femme sur quatre sera victime de violences conjugales au cours de sa vie sur l’île, selon l’Observatoire réunionnais des violences faites aux femmes.

En 2024, deux féminicides ont endeuillé ce territoire de quelques 886 000 habitants, décrit par le journal comme prospère et au paisible vivre-ensemble. L’un des déterminants de cette violence endémique concerne une réalité sociale faite de dénuement et de précarité.

« Derrière les violences conjugales, on trouve la violence économique, qui laisse des femmes sans revenus, ni endroit où aller », confie au Monde, Marie-Eve Gauvin, une des nombreuses psychologues en première ligne contre la situation.

Le parcours des victimes, entre terreur et renaissance

Sous la houlette de l’Association réunionnaise pour l’aide juridique aux familles (Arajufa), cette spécialiste s’emploie quotidiennement à réparer les victimes de leur traumatisme. Un travail de longue haleine marquée par une explosion des sollicitations, passées notamment de 10 victimes rencontrées par semaine en 2007 à 30 désormais.

Lydie, 38 ans, soignante à l’hôpital, raconte son calvaire fait de coups, d’humiliations et de menaces de mort. Son récit illustre l’emprise graduelle exercée par son conjoint toxicomane, la conduisant à un état d’hypervigilance permanent.

« Je ne dormais jamais. Quand on ne peut même pas aller pisser sans que les enfants paniquent, cela devient l’enfer« , affirme celle qui dit avoir « fait le deuil » du père de ses enfants, après moult hésitations à accepter de l’aide par crainte pour des représailles.

Une chaîne judiciaire mobilisée, mais sous tension

La situation marquée des cas de multirécidivisme à l’instar de ce quadragénaire sorti de prison il y a 12 jours, mais déjà condamné à y retourner pour une durée supplémentaire de huit mois, pousse les pouvoirs publics à redoubler de vigilance.

La vice-procureure Carole Pantalacci décrit dans les colonnes du Monde, une permanence qui fonctionne comme un service d’urgence. « Une procédure qui dort, c’est dangereux », insiste-t-elle. Les forces de l’ordre ont reçu des consignes strictes : plus de simples mains courantes, mais des auditions systématiques.

Même si une victime souhaite retirer sa plainte, la procédure suit désormais son cours. Deux maisons d’accueil de jour ont ouvert fin 2023 et mi-2024, et deux autres sont prévues cette année. Mais les besoins restent immenses : hébergements d’urgence, psychologues en ville, centres spécialisés dans les syndromes traumatiques.

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