Applaudie hier, mais conspuée aujourd’hui, la France semble s’enliser dans la crise au Mali. Pourtant, elle y a mis toute son énergie : des milliers de soldats et une logistique impressionnante. C’est justement là que se pose le problème. Paris a énormément misé sur le rapport de force, négligeant les maux profonds de ce pays très pauvre du Sahel. Dans ce contexte, la réponse militaire apparait comme un cautère sur une jambe de bois.
Qu’a résolu la France en montrant ses muscles au Sahel ? Rien ! Après l’opération Serval – un coup de pied dans la fourmilière – et maintenant l’opération Barkhane, le bilan est bien maigre. Si les groupes djihadistes n’ont plus exactement leur « califat », ils opèrent toujours et font progressivement leur retour. Ils ont même réussi à faire du nord du Burkina Faso, une zone d’instabilité. Le Niger voisin se voit désormais ajouté à la liste des victimes. Quant au Mali, le nid des terroristes du Sahel, la situation se détériore au fil des mois.
La lutte contre le djihadisme passe par la lutte contre la pauvreté
Malgré son enlisement au Mali, la France annonçait encore en novembre dernier, le déploiement de l’unité « Takuba » [« Sabre » en tamachek], qui réunira des forces spéciales européennes pour accompagner les armée locales, y compris au combat. « Ce sera le sabre qui armera les forces armées maliennes sur le chemin de l’autonomie et de la résilience », a déclaré la ministre française des Armées, Florence Parly. On ira encore certainement vers un autre échec.
Les efforts du gouvernement et de la communauté internationale resteront vains aussi longtemps que l’attention sera uniquement portée sur la lutte sécuritaire contre les groupes djihadistes, plutôt que sur le traitement des doléances des populations : accès à la terre, aux ressources naturelles, à l’éducation, au travail, à l’électricité etc. Le terrorisme prospérant dans la pauvreté, il faut d’abord s’attaquer à celle-ci. Le Mali est l’un des Etats les plus pauvres au monde. Classé pays pauvres très endettés (PPTE), il vit largement des donations internationales.
Un Plan Marshall pour le Mali
Pour enrayer cette misère, terreau du djihadisme et du banditisme, il faut faire accompagner la réponse militaire de vraies mesures en faveur du développement socio-économique (pas des demi-mesures qui ne profitent qu’à un régime corrompu). A titre d’exemple, il y a l’ambitieux « Plan Marshall » de l’entrepreneur malien Aliou Diallo, PDG de la société d’exploration d’hydrogène naturel Hydroma SA et candidat malheureux à la dernière élection présidentielle. Pour sortir définitivement son pays du terrorisme et de la misère sociale, il met en avant des grands chantiers qui nécessiteront 15 000 milliards de francs (23 milliards d’euros) sur cinq ans. Ce fonds sera issu des emprunts d’État, des bailleurs de fonds et des partenariats privé-public.
Aliou Diallo compte utiliser cet argent pour le désenclavement des régions, surtout celles du nord. Ainsi, il prévoit de construire de nombreuses infrastructures telles que les routes et les ponts. L’entrepreneur veut aussi construire des hôpitaux, des dispensaires, des écoles, des centrales électriques etc. Il s’agira en outre de créer 20 000 emplois pour éviter de jeter les jeunes Maliens dans les mains des djihadistes (ou au mieux sur la route de l’immigration clandestine). Enfin, il faudra renforcer les capacités de l’armée, moderniser et assainir l’administration publique, en proie à la corruption.