Gisèle Pelicot, de victime à icône

La septuagénaire droguée et violée par son mari pendant des années est devenue un symbole de la résistance mondiale face à ce fléau de l’abus sexuel.

Depuis dix semaines se déroule au palais de justice d’Avignon dans le Vaucluse, un procès hors norme dont l’onde de choc ne cesse de s’amplifier. Ce qui avait débuté dans une relative discrétion, s’est transformé en un phénomène judiciaire et sociétal sans précédent.

Une sorte de tribune pour la gent féminine dans une société éminemment sexiste, marquée par la récurrence des abus contre les femmes et par essence peu regardant à propos des droits de celles-ci. Ici, les audiences évoquent une mécanique du viol aussi insidieuse que dangereuse : celui qui se déroule derrière les portes du foyer conjugal.

En effet, entre 2011 et 2020, Dominique Pelicot, retraité aujourd’hui âgé de 71, aura violé et offert son épouse Gisèle tel un vulgaire objet insignifiant, à des personnes recrutées sur Internet – dont 50 à la barre – pour des abus en tous genres, tout en prenant le soin de la gaver préalablement de Temesta, un anxiolytique réputé pour ses effets sédatifs.

Une voix contre la loi du silence

« J’essaie de rester debout, mais à l’intérieur, c’est un champ de ruines. J’ai été sacrifiée sur l’autel du vice ! Je suis comme une morte sur son lit, le corps est chaud, mais inerte. Ces hommes me souillent, me considèrent comme une poupée de chiffon, un sac poubelle ! », dira à la barre celle dont les médecins disent qu’elle aurait pu y rester.

« C’est le récit d’une miraculée », abonde une experte médicale citée par Le Point. Et ce récit, Gisèle Pelicot a tenu à ce que le monde l’entende. Elle a notamment fait lever le huis clos au procès contre l’avis du tribunal, suscitant une admiration qui transcende désormais les frontières de son modeste village de Mazan.

« J’ai pris conscience que je n’avais pas à avoir honte, que je n’avais rien à me reprocher », affirme encore cette ancienne secrétaire qui aura passé 50 ans de vie commune avec un mari devenu bourreau, face aux horreurs des vidéos projetées aux audiences à la face du monde.

Un procès fondateur ?

Le procès retentissant par sa dimension vient bousculer les fondements mêmes de la compréhension du viol. La notion de « viol d’opportunité » à la base de la majeure partie des cas, est mise en lumière comme jamais auparavant.

Il en est de même de la question cruciale de la soumission chimique, c’est-à-dire l’administration de substances psychoactives à l’insu d’une personne dans le but de la rendre vulnérable et de commettre un crime ou un délit à son encontre.

L’intérêt médiatique est à la mesure de l’événement. À en croire Le Parisien, sur les 150 journalistes accrédités, 61 viennent de l’étranger, du Japon à l’Australie en passant par les États-Unis…

« Ce procès, on en parlera encore dans vingt ans« , indique au Parisien, Lauriane, un des nombreux soutiens de Gisèle désormais présents au tribunal.

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