La plateforme britannique de livraison de repas a une nouvelle fois été rappelée à ses obligations d’employeur par la justice française. Nouvel exemple d’un modèle d’ubérisation qui s’effrite.
Un combat de type David contre Goliath, qui tourne à l’avantage du premier. Neuf livreurs de Deliveroo – employés entre 2017 et 2022 – sont parvenus à faire condamner l’entreprise britannique, mercredi 2 juillet 2025, pour travail dissimulé par la cour d’appel de Paris.
La plateforme de livraison de repas devra ainsi verser plus de 100 000 euros à plusieurs de ces travailleurs au titre des salaires impayés. L’un d’eux, qui touchera pour sa part 93 000 euros, va également réintégrer la société.
La raison ? Un licenciement en 2020 pour « discrimination liée à des raisons de santé » selon le tribunal. Cette réintégration, qualifiée d’historique par Kevin Mention, l’avocat des plaignants, dans les colonnes du journal Le Monde, représente « le premier cas de réintégration » d’un coursier licencié pour raisons de santé.
Cette mesure constitue un précédent juridique majeur qui pourrait encourager d’autres livreurs dans des situations similaires à engager des poursuites contre ces plateformes qui, malgré leurs chiffres d’affaires de plusieurs centaines de millions d’euros, s’exonèrent de leurs responsabilités envers leurs employés.
« Indépendants » ou « pas indépendants » ?
La décision de la cour est d’autant plus significative qu’elle reconnaît une subordination déguisée entre le groupe et ces travailleurs, en établissant notamment que « Deliveroo leur impose une tenue, une zone géographique, une procédure à respecter et des possibilités de connexion à l’application à certaines périodes ».
Il s’agit d’une caractéristique fondamentale du contrat de travail que la plateforme s’efforce de nier depuis plusieurs années en traitant les employés comme des « indépendants » plutôt des « salariés ».
En mars 2022, dans le cadre du premier procès pénal de l’ubérisation – phénomène de transformation de l’économie par les plateformes numériques – en France, la procureure du tribunal correctionnel de Paris avait ainsi décrit William Shu, le patron de Deliveroo, comme étant à l’origine du « système » ayant permis à la société de bénéficier de « tous les avantages de l’employeur sans les inconvénients ».
Un modèle économique de plus en plus contesté
« Cela montre à quel point ils [Deliveroo] fraudaient », relève Kevin Mention au Monde, en référence aux montants des indemnités, ajoutant que « depuis 2020, toutes les décisions ont établi un travail dissimulé ».
En effet, le modèle de l’entreprise, en phase d’être rachetée par son concurrent américain DoorDash, subit de nombreux revers judiciaires à travers l’Europe. Dans ce contexte, le groupe tente de se défendre en arguant que son modèle a évolué.
« Le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants », a-t-il réagi dans des propos cités par l’AFP.